Pendant ce temps, de l'autre côté
des Pyrénées, une peuplade païenne se préparait
à l'invasion. A l'abri dans leurs montagnes, les Vascons, Ibères
non latinisés, constatant le désordre qui régnait dans
l'ancienne Novempopulanie, eurent tôt fait de la désigner pour
cible de leur prochaine conquête. Ils déferlèrent alors
des Pyrénées pour occuper presque toute l'Aquitaine, qu'ils
ravagèrent jusqu'à Bordeaux. Ils débaptisèrent
l'ancienne colonie romaine, lui donnant le nom de Vasconie d'où est
venu celui de Gascogne. Retranché au sud de sa nouvelle possession,
le peuple vascon, avide de batailles, accomplit de fructueuses rapines dans
les territoires mérovingiens. Certains pensent que les Vascons étaient
en fait déjà là avant l'arrivée des Romains et
que cette conquête ne fut en fait qu'une reconquête.
A l'avènement de Dagobert Ier
(629), l'autorité des Francs se raffermit dans tout
le royaume. Les Vascons, après avoir subi quelques revers sérieux,
durent se soumettre pour un temps (635). Malgré leur
désir de revenir aux frontières d'Auguste et de reconstituer
le royaume d'Euric, ils ne purent, à la mort du «bon roi»,
s'opposer au démembrement de leur territoire. Avec la venue des rois
fainéants, la carence du pouvoir allait permettre à la Vasconie
de reprendre son autonomie. Ses nouveaux chefs s'appuyèrent sur la
féodalité laïque et surtout sur l'épiscopat.
Entre 660 et 670,
suite à l'alliance des Aquitains et des Vascons, l'ancien royaume de
Toulouse renaquit. A sa tête, Lupus, ancêtre des ducs d'Aquitaine,
puis suivit Félix. Eudes, lui succédant, étendit son
influence jusqu'à la Loire (718).
Déjà pourtant se dessinait une autre menace. La Péninsule Ibérique était aux trois-quarts conquise par des hordes arabes qui se préparaient à passer les Pyrénées. En 720, elles franchirent le Perthus et s'attaquèrent à Toulouse. Eudes, luttant pour sauvegarder l'indépendance de ses domaines, épousa alors la fille d'Abi-Nessa, émir de l'Espagne du Nord. Au même moment, Abd-el-Raman, s'étant débarrassé de ce dernier, passa le col de Roncevaux pour envahir la Vasconie. Le massacre fut épouvantable. C'est ainsi que la ville d'Auch fut pillée et celle d'Eauze à nouveau détruite. Les Arabes marchèrent ensuite sur Tours, véritable centre du royaume. En 733, Charles Martel, venu au secours d'Eudes, les stoppa à Poitiers et les contraignit à refluer vers les cols pyrénéens et l'Espagne. Son intervention lui valut l'hommage du duc d'Aquitaine.
Après la mort d'Eudes (735), le duc Hunald dut à son tour prêter serment d'allégeance aux Francs. Une fois Charles Martel disparu, il se souleva en vain contre leur autorité. Son fils Waifre résista aux nouveaux conquérants jusqu'en 768, avant d'être assassiné dans des circonstances troublantes. Pépin le Bref, premier roi de la dynastie des Carolingiens, exigea en échange d'une autonomie de pure forme de 1'Aquitaine des otages choisis parmi les Vascons les plus influents. Ce n'est qu'à ce prix que la province put prendre pour duc Lupus Il, dernier fils d'Eudes. Par la Vasconie, qui conservait une relative indépendance, les Francs se trouvaient en contact direct avec les Sarrasins. Charlemagne, soucieux de maintenir ces derniers hors de son royaume, prêta au besoin main forte aux émirs du nord de l'Espagne, en révolte contre les califes de Cordoue. Ceci l'amena à séjourner souvent en Vasconie, où il incita les habitants à la pondération. De retour de la Péninsule Ibérique à la suite d'un échec subi devant Saragosse, l'armée de Charlemagne fut surprise en 778 par des bandes de montagnards vascons qui écrasèrent son arrière-garde au col de Roncevaux. Ce fut l'occasion pour le futur empereur de s'en prendre à l'Aquitaine et surtout à la Vasconie. Après avoir soumis le duc Sanche Ier, fils de Lupus, il installa sur le territoire, désormais assujetti, des comtes et des évêques francs. En 781, à l'âge de trois ans, le futur Louis le Pieux, fils de Charlemagne, fut sacré roi d'Aquitaine. Ce royaume d'Aquitaine, entièrement soumis à l'autorité de Charlemagne, allait de la Loire au Languedoc et avait deux capitales : Bordeaux et Toulouse. Il englobait donc la Vasconie, et Charlemagne espérait ainsi "diluer" l'identité vasconne. Restait un bastion difficile à faire rentrer dans le rang : les Pyrénées. Suite aux révoltes incessantes des Vascons, Charlemagne s'allia au Roi des Asturies, en Espagne, dans l'espoir de réduire les montagnards, mais le Roi des Asturies avait d'autres affaires plus urgentes et menaçantes : les musulmans établis au sud. Charlemagne avait délégué à des Comtes le soin de l'administration de la Vasconie, comme Adalric, dans le Fezensac. En dépit des efforts de l'Eglise qui prêchait l'intégration au royaume franc, la révolte était permanente en Vasconie, alors que l'Aquitaine s'était intégrée et que la Catalogne et le Languedoc participaient activement aux efforts de reconquête des terres du sud, soumises à l'Emir de Cordoue. En 800, alors que Charlemagne venait juste d'être couronné Empereur, les Vascons du Nord se soulevèrent une fois de plus, mais Sanche-Loup apparut, envoyé par Charlemagne et le Roi d'Aquitaine : il était le fils aîné de Loup II, Duc des Vascons disparu depuis trente ans.