Accueil Un petit résumé de l'histoire de la Gascogne (1)
En attendant les Romains

Au VIème siècle avant J.C., les Ligures étaient implantés dans la majeure partie de la Gaule, entre la Loire et les Pyrénées. Constitués en tribus distinctes et dépourvus d'unité politique, ils durent subir le choc de nombreux et divers assauts. C'est ainsi que les Ibères, envahissant le Midi de la Gaule au Vème siècle avant notre ère, les repoussèrent rapidement jusque dans les déserts landais. Venus d'Espagne par Roncevaux, le Val d'Aran et le Somport, les nouveaux occupants se heurtèrent aux Celtes, ce qui les empêcha d'étendre leur domination plus au nord. Plus solidement structurés que leurs prédécesseurs ligures et dotés d'une civilisation déjà avancée, les Ibères ont laissé des traces de leur passage à Iliberris (Auch, ville neuve) et Ilusa (Eauze). Maîtres de la future Gascogne où quelques Celtes s'étaient mêlés à leurs tribus, ils s'organisèrent en cas de péril, construisant des camps fortifiés et des «oppida» comme Sos. Ces peuplades, quoique souvent fort en avance, tant du point de vue guerrier que social, ne possédaient pas de gouvernement centralisé et affaiblissaient leur potentiel de défense par de stériles querelles intestines. Entre les tribus, telles celle des Elusates (Eauze) et celle des Auscii (Auch), il n'y eut en réalité que des relations factices.

Les Romains arrivent

Lorsque Rome, alors omnipotente, décida de pousser sa conquête plus avant, les peuplades locales furent incapables de s'opposer la cohésion des légions romaines et ne purent résister à Crassus, lieutenant de César, qui en 56 avant J.C. obtint la soumission de l'Aquitaine toute entière, suite son triomphe de Bigaar, près de Tartas. Une ère de prospérité allait s'ouvrir pour les vaincus, qui adoptèrent la langue, la religion et les mœurs de leurs vainqueurs. Auguste, de passage à Dax, organisa l'Aquitaine en province romaine, l'étendant de la Loire aux Pyrénées. L'influence de la planification voulue par les nouveaux conquérants allait se faire sentir sur tout le territoire gascon, jusque-là inorganisé. A la fin du Ier siècle de notre ère, la «romanisation» était effective. Dans l'unité territoriale autonome constituée vers l'an 15, les communes ou municipes eurent le droit et le pouvoir de s'administrer à leur guise. La Novempopulanie était en formation.

La Novempopulanie (ou territoire des 9 peuples)

La Novempopulanie naquit la fin du IIème siècle de l'Aquitaine ibérique, laquelle s'était séparée de ses peuplades celtes, désormais constituées en Aquitaine seconde, avec Bordeaux pour capitale. Dans le pays des neuf peuples (Tarbelles, Vasates, Elusates, Convènes, Ausques, Consoranni, Lactorates, Boiates, Illuronenses), la cité, formée du chef-lieu et du secteur en dépendant, constitua l'unité administrative de base àl'image de Lectoure. Les agglomérations quittèrent les hauteurs pour s'établir dans les vallées et les plaines. Connaissant un beau développement, Elusa devint la capitale de la Novempopulanie. Celle-ci, semblable aux autres provinces de l'Empire, ne compta pas moins de douze cités (dont Augusta Auscorum, Auch) la fin du IV ème siècle. Le latin, langue officielle, fut bientôt admis par la population. Dans les zones rurales subsistèrent toutefois les anciens dialectes, parfois fort différents. (voir la carte de la Novempopulanie )

Quant aux coutumes romaines, elles ne tardèrent pas à s'étendre la province entière. L'occupant fit également adopter sa religion. C'est sans difficulté que les divinités romaines furent acceptées. En conséquence, le culte impérial, avec ses flammes et ses prêtresses, fut en faveur, tout particulièrement Eauze où le dieu persan Mithra suscita au IIIème siècle un engouement considérable. Lectoure, district religieux, célébra également ce culte, ainsi que celui de Cybèle, la «Mère des Dieux», que nous rappellent les fameux tauroboles (visitez le musée de Lectoure !).

L'œuvre de Rome s'est en outre matérialisée par la construction de nombreuses routes dont le sol conserve parfois la trace, souvent recouvertes d'asphalte de nos jours et bien reconnaissables à leur impertubable rectitude. Pour la première fois, des communications plus rapides étaient permises. Le commerce s'organisait autour des axes d'échange qui reliaient les villes entre elles. Lectoure était ainsi directement rattachée à Toulouse, alors qu'Auch l'était à Bordeaux par Eauze et Bazas. La célèbre «Ténarèze», elle, traversait la Gascogne en suivant les crêtes, sans enjamber un cours d'eau, c'est-à-dire en suivant la ligne de séparation du bassin de l'Adour et du bassin de la Garonne. De nombreuses ruines de monuments témoignent aussi de la romanisation de la région. Sous les empereurs Auguste, Tibère, Caligula, Claude, Néron, etc. l'architecture et l'urbanisme romains régnèrent en maître. On assista alors une véritable débauche de constructions de thermes, d'amphithéâtres, de palais, de ponts, sans parler des villas aux riches mosaïques (comme celle de Séviac dans le Gers, près de Montréal, mais on en dénombre plus de 300 rien que dans le Gers). Des écoles furent également fondées dans des cités embellies (Eauze, Auch, etc.). Le développement des réseaux d'adduction d'eau favorisa beaucoup l'agriculture. La Novempopulanie, bien administrée, connaissait une prospérité dont l'apogée se situa sous les Flaviens et les Antonins, particulièrement lors du règne de Marc-Aurèle.

Hélas, l'ardeur guerrière s'estompa singulièrement devant les nouveaux plaisirs de la civilisation. Forts de la puissance de l'Empire romain, les peuples de la province s'abandonnaient aux premiers signes de la décadence. La sécurité générale n'était en fait que trompeuse apparence. En 275 déjà, des tribus ibères avaient franchi la passe de Roncevaux pour saccager la contrée de Bordeaux et de Dax. Les Romains, sous l'impulsion d'Aurélien, décidèrent alors de fortifier les cités et de créer l'infrastructure de défense qui manquait à la Novempopulanie. Pendant plus d'un siècle, ils défendirent encore la province contre les hordes germaines qui exerçaient des harcèlements continus et de plus en plus hardis sur les frontières de l'Empire.